De nombreuses personnes vantent la modernité caractérisant notre ère actuelle, prétendument centrée sur un état d’esprit inclusif et ouvert aux particularités de chacun. Pourtant, au vu de certaines réactions, la persistance des préjugés et des mentalités tend à façonner la beauté en idéal normé et trop-bien-rangé. Des fantasmes aux utopies, le monde garde en lui une image surfaite et dépassé du physique parfait, si bien que la moindre déviance un-peu-trop flagrante à cette illusion mène à exclure le moindre écart. Tête d’affiche de la saison 3 des « Chroniques de Bridgerton », l’actrice Nicole Coughlan interprétant brillamment le rôle de Penelope Feartherington a récemment fait les frais de cet esprit de chapelle.
En effet, à l’occasion d’une conférence de presse destinée à la promotion du feuilleton, une journaliste n’a pas hésité à remettre en cause la légitimité de la jeune actrice à apparaître à l’écran dénudée, et à lui envoyer en plein visage une interrogation révélant un fond amer de grossophobie : "Ça a dû demander beaucoup de courage d’apparaître nue à l’écran avec votre morphologie ?".
Par un sens implacable de la répartie, Nicole Coughlan refusa de battre en retraite et confronta avec tact et un grand sens de l’ironie ce modèle de pensées réducteur: "C’est vrai que c’est dur. Vous savez, les femmes qui ont ma morphologie, à savoir les femmes qui ont des seins parfaits, n’ont pas la chance de beaucoup apparaître à l’écran. Et en tant que membre de la communauté des seins parfaits, j’en suis fière. J’espère que vous avez apprécié les voir."
Si user de l’humour représente l’arme ultime pour lutter contre l’obscurantisme et la frivolité, il ne faudrait pas, néanmoins, perdre de vue le déshonneur originel de placer l’assurance d’une personne au rang du courage dès lors qu’elle ne correspond pas aux standards de beauté établis. Car qui a érigé le principe absolu selon lequel le droit d’un acteur d’apparaître à l’écran dénudé ou même entièrement dévêtu serait tributaire de sa conformité à des dictats préétablis ? Qui prétend que le physique d’un acteur devrait se fondre dans un moule déterminé et immuable ? Qui fixe des règles menant la beauté au respect d’un conformisme ? Car la beauté est une notion subjective qu’il est bien inutile de standardiser par des critères rigides et inaccessibles façonnant non seulement l’image que nous avons de nous-mêmes, mais aussi celle projetée chez l’autre.
Blonde, brune, mince ou forte, debout, assise, sapée, dénudée, fine ou déformée, une personne n’a pas à subir de discriminations envers un physique dont elle n’est pas responsable et qu’elle a décidé d’assumer. Ce n’est pas à elle de se conformer ou bien de courber l’échine. C’est aux mentalités d’évoluer, de devenir plus inclusives, souples et ouvertes à la différence. Il est temps que le général cesse de nous envahir de ses normes insignifiantes et de ses standards démodés.
Car si on laisse la différence apparaître à l’écran, refuser la représentation du corps sans artifices revient à tronquer le message dans la plus grande hypocrisie. Nous ne sommes pas des profils à sélectionner dans une mouvance sectaire, et simplement utiles à brandir comme des égéries de la diversité mais des personnes humaines, vivantes, dotées de sentiment et d’intégrité. Quand serons-nous regardés sans préjugés ou revendications et simplement en considération de notre humanité ?
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