Au nom de l’ensemble de la communauté des personnes en situation de handicap, je pense pouvoir l’affirmer sans doute aucun.
L’absence de ministère consacré aux défis quotidiens vécus par notre population, a été l’objet de vives révoltes de la part des acteurs associatifs.
En effet, ce samedi 21 septembre semblait, à nos yeux, marquer le point final d’une vaste ruée d’espoirs hypocrites et fantaisistes. Ce samedi 21 septembre, l’annonce du gouvernement de Monsieur Michel Barnier, nouveau premier ministre du territoire national, sonnait l’alarme d’un virulent retour au réel.
La profonde colère des associations occasionna au final, l’effet catalyseur attendu. Plusieurs sources provenant du monde médiatique ont ainsi annoncé, en ce début d’après-midi, la nomination imminente d’une ministre déléguée au handicap.
Si nous ne pouvons que nous satisfaire et porter de vifs espoirs que cette décision signera le commencement d’une conception soucieuse des thématiques d’accessibilité et de dépendance, la nécessité de se livrer à des révoltes permanentes, systématiques et visiblement indispensable à la prise en compte des difficultés éprouvantes et plurielles auxquelles nous nous heurtons en matière d’accès aux services publics, livre un témoignage du manque de considération inadmissible porté à notre égard par la famille des hommes de pouvoir français.
Le clap de fin des Jeux Paralympiques de Paris 2024 scellait pourtant un véritable espoir de renouveau en faveur des citoyens handicapés, une promesse de connaître enfin un accès effectif à l’espace public et une inclusion dans chacun des domaines de la vie. Cet évènement parvint dès lors, grâce à une ribambelle de discours élogieux promouvant la richesse de la différence, à nourrir nos espérances d’un avenir meilleur et d’un possible changement de regard collectif.
Cependant, l’absence de ministère responsable du handicap au sein de la composition précédemment révélée, constitua pour nous, communauté des personnes handicapées et citoyens de la République Française, l’aveu de trop, le témoignage ultime du profond manque de reconnaissance des difficultés que nous connaissons chaque jour. La fureur de l’ensemble des acteurs associatifs fut palpable au sein des médias et des réseaux sociaux, manifestant leur profonde colère contre une telle injustice, assimilée à un “recul pour l’inclusion”, alors que le handicap représente actuellement la première cause de discrimination à l’échelle nationale. Ainsi, un collectif regroupant 54 associations déplora récemment sur le réseau social X l’absence de ministère ou de secrétariat d’État en charge de l’ensemble de nos défis quotidiens. Il est tout simplement révoltant que la mise en lumière des personnes handicapées au sein des services gouvernementaux, ait nécessité une telle rébellion.
Le chantier des améliorations législatives au sujet de l’accessibilité est une problématique d’envergure nécessitant un travail de fond, un regard transversal, de solides connaissances et une expertise de pointe. En ce qu’il constitue une branche indétachable du droit de la santé publique et des politiques sociales, il implique le besoin d’un ministère soucieux des défis que rencontrent les personnes et familles atteintes. Le handicap implique ainsi de concevoir une vision positive, ambitieuse et la volonté de mener des politiques publiques marquant le point de départ d’une ère libérationniste et permettant à chaque personne de connaître une inclusion et un plein accès à l’ensemble des aspects de la vie sociale. Il mérite une lutte avec acharnement, passion et conviction et tant d’espoirs contrariés par le désintérêt des pouvoirs publics.
Car au lieu de la reconnaissance tant attendue de l’importance fondamentale et de l’ensemble des intérêts d’envergure liés à la cause de la dépendance, nous ne cessons d’assister à la fâcheuse consécration de son illégitimité au centre du terrain législatif et politique français.
Présidente de ma propre association, militante du monde du handicap et oeuvrant dans la sphère professionnelle aux côtés de spécialistes compétents, je souhaite clamer mon profond mécontentement devant la manifestation de ces attitudes inacceptables et indignes de notre cause, indignes de sa richesse, indignes de la beauté de nos différences et indignes du courage déployé chaque jour par l’ensemble de notre communauté pour parvenir au graal de l’insertion sociale.
Les personnes dépendantes, aidantes, méritent mieux, tellement mieux que ce désintérêt persistant et continuel, manifesté par les hommes de pouvoirs.
Dans l’hypothèse où le gouvernement se heurterait encore à émettre des doutes quant à la précarité gravissime dans laquelle vivent les personnes atteintes de handicaps, les preuves, elles, s’accumulent en masse. Preuves découlant tout d’abord, des enquêtes menées par les associations militantes, telle que celle d’APF France Handicap attestant des difficultés de déplacement connues par un citoyen sur deux et illustrant les failles d’application intolérables de la loi du 11 février 2005. Cela sans compter les faiblesses alarmantes de notre système sanitaire ainsi que ses incapacités à mettre en oeuvre une prise en charge efficace, digne et humaine de la dépendance. Je fais, ici, évidemment référence à l’émission Zone Interdite diffusée à l’antenne de la télévision publique en mars 2024, laquelle révéla plusieurs insuffisances d’envergure au sein de l’organisation des structures médico-sociales accueillant pourtant un public atteint de toute pathologie. Je fais référence à cette édition dont les atrocités montrées au grand jour furent quasi-entièrement omises par les médias. Je fais référence aux conditions de vie indignes vécues par les personnes à l’intérieur de certaines institutions. Je fais référence aux enfants entassés au sein de centres insalubres. Je fais référence aux blessures décrites par les parents, attestant de traitements à bannir dans l’idéal d’un milieu sanitaire soucieux du bien-être des plus vulnérables. Je fais référence à ces articles de presse inondant les unes de journaux à chaque rentrée scolaire et témoignant des difficultés d’accès à l’éducation connues par les élèves et étudiants en situation de handicap. Je fais référence à la pénurie d’Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) dont la rémunération insuffisante et les conditions de travail difficiles ne leur permettent pas un exercice serein de cette profession, au détriment du droit de suivre une scolarité normale, initialement adressé à chaque citoyen. Je fais référence à la situation de crise et d’extrême détresse subie par les aidants, écrasés sous le poids d’un défaut de reconnaissance sociale tout à fait inacceptable.
S’il est sans conteste que la nation affronte actuellement une crise sanitaire et sociale d’envergure, les conséquences de celle-ci se révèlent d’autant plus catastrophiques pour la communauté précaire que forme les individus touchés par le handicap. Ces derniers, nécessitant une prise en charge qualitative de la part de chaque acteur de notre modèle de santé, sont bien souvent les premiers à pâtir des nombreuses difficultés de gestion des politiques. Il semble donc essentiel de rappeler que l’ensemble de ces sujets sensibles nécessite à la fois une expertise pointilleuse, une attention spécifique, de multiples compétences et un regard soucieux du respect du bien-être et du droit à l’autonomie dont ces personnes sont détentrices.
A ce titre, la nécessité d’un chef de service spécialiste de la question constitue un véritable socle à l’enjeu de nous maintenir dans des conditions de vie dignes. Nous espérons vivement découvrir dans les prochains mois le visage d’un gouvernement avisé des problématiques d’inclusion, et manifestant un intérêt singulier à l’ensemble des défis, d’une importance prépondérante sur le plan médico-social, relatifs à la dépendance.
Pour conclure, je reprendrai une réflexion formulée autrefois par le président Jacques Chirac, essentielle pour ancrer l'importance capitale de ces problématiques en matière de santé dans l'esprit des pouvoirs publics.
Votre peuple souffre. Votre peuple saigne.
Alors surtout, ne regardez pas ailleurs.
Je vous remercie tous, très sincèrement, pour votre attention.
Inès Chometon, présidente de l’association Glamour à portée
Ajouter un commentaire
Commentaires