Le cinéma, en tant qu’art puissant et accessible est communément vu comme l’un des nombreux moyens de sensibiliser le public aux défis divers et variés impliqués par le handicap. Par la représentation de la diversité des corps, transmise à l’écran, l’artiste détient alors la capacité de questionner son spectateur, l’opinion public et peut ainsi s’attaquer à de véritables sujets de société au cœur des débats les plus virulents. L'un de ces sujets est la sexualité des personnes handicapées, une thématique qui touche à des enjeux complexes, tels que l'autonomie, la dignité et les droits individuels.
Cet article explore trois films qui traitent chacun, de manière différente, de la sexualité des personnes handicapées, et qui nous invitent à réfléchir à la manière dont ces expériences sont représentées à l'écran.
1. The Dress : Une exploration nuancée des complexités de la séduction
D’origine polonaise et sorti en 2020, le court métrage The Dress raconte l'histoire d'une femme de petite taille, déterminée à vivre pleinement sa vie malgré les défis que son handicap pourrait poser. En effet, elle jouit d’une position sociale stable et s’assume seule grâce à son travail. Entretenant de forts liens d’amitié avec certaines de ses collègues, elle assume pleinement sa sensualité mais aussi son envie de connaître l’amour. Lorsqu'elle rencontre un homme dans l'hôtel où elle réside, elle se prépare avec enthousiasme à un rendez-vous qui pourrait marquer le début d'une relation amoureuse.Dès lors, elle se rend dans une boutique de prêt-à-porter féminin et finit par craquer pour une jolie robe sexy.
Mais malgré un début des plus prometteurs, les prémisses du rapport charnel survenant entre les deux personnages laissent très vite place à la manifestation par l’homme d’un sentiment de dégoût, menant jusqu’à la violence et l’abus. Cette scène expose alors les complexités et les dangers potentiels que peuvent rencontrer les personnes handicapées dans le domaine de la séduction.
Diffusé il y a quelques années sur une chaine culturelle, The dress aborde dans un premier temps avec sensibilité et justesse la relation entre handicap, féminité et désir. La quête d’amour et de légèreté menée par cette femme est touchante et montre l’importance de présenter au public une vision de la personne handicapée comme un être sexué, doté d’appétences propres à sa condition humaine, et surtout désirable. The Dress aborde avec sensibilité le désir de la protagoniste d'être vue et aimée comme n'importe quelle autre femme, tout en confrontant les spectateurs aux réalités parfois difficiles de ces interactions.
Le film souligne l'importance de reconnaître les personnes handicapées comme des individus autonomes, tout en sensibilisant le public aux défis supplémentaires qu'elles peuvent rencontrer dans leur quête de relations affectives et sexuelles.
2. Because of my body et la vision d’une sexualité assumée des jeunes handicapés
Alors que The Dress explore les dangers potentiels dans les relations affectives, ce nouveau documentaire se penche sur une autre facette de la sexualité des personnes handicapées, celle de la quête d'autonomie et de satisfaction intime. Réalisé par Francesco Cannavà et diffusé en 2021, Because of my body m’avait particulièrement ému pour son histoire touchante, ouvrant à nouveau le débat sur la légalisation de l’assistance sexuelle. Nous partons à la rencontre de Claudia, une jeune femme de 21 ans au look gothique, atteinte de spina-bifida et aspirant à vivre les mêmes expériences affectives et sexuelles que ses pairs.. En effet, à cause d’une malformation congénitale de la colonne vertébrale, Claudia dépend toujours de sa mère pour les gestes de la vie quotidienne.
Dynamique et avide d’expériences, la jeune fille fait un jour appel à Marco, membre de l’association Love Giver et assistant sexuel, pour l’accompagner dans la quête de son identité sexuelle et dans la découverte de son corps. Une seule et unique contrainte devait guider cette relation : ne surtout pas tomber amoureux. La suite du scénario nous apporte une vision pudique des séances entre Claudia et Marco.
Because of my body, en plus d’offrir un angle doux et sensible du sujet de l’assistance sexuelle, dépeint une réalité d’autant plus puissante qu’il s’agit de la véritable histoire de l’actrice. Ce coup de projecteur pertinent et salutaire revêt une utilité incontestable à démontrer au public les intérêts de la pratique, notamment en matière d’accès à l’intimité et en tant qu’outil d’autonomisation. Because of My Body ne cherche pas à justifier ou à excuser la sexualité de Claudia, mais à montrer qu'elle a, comme tout être humain, le droit d'explorer son corps et ses désirs dans un cadre respectueux et sécurisé. Le film soulève des questions importantes sur l'assistance sexuelle, un sujet qui mérite une réflexion approfondie pour garantir qu'elle respecte pleinement les droits et la dignité des personnes concernées.
3.The Sessions, ou hymne à la liberté sexuelle des personnes handicapées
Film dramatique américain, réalisé par Ben Lewin et sorti en 2012, The sessions retrace la véritable histoire de Mark O’Brien, un poète touché par la poliomyélite et paralysé du cou jusqu’aux pieds. Contraint de vivre dans un poumon d’acier, celui-ci, n’ayant jamais entretenu de relations sexuelles et sentant l’évolution de sa maladie bientôt arriver à terme, entreprend alors de perdre sa virginité et entre en contact avec Cheryl Cohen-Greene, assistante sexuelle. Patiente et attentive, Cheryl lui explique que la durée de leur relation ne pourra dépasser les six séances.
Durant ces dernières, la vision de la sexualité des personnes handicapées est étudiée à travers certains facteurs internes et externes. Plusieurs sujets intéressants et d’une importance notable sont abordés, comme le sentiment d’exclusion du corps engendré par le handicap, l’impression d’illégitimité ou bien le rapport à la religion car Mark est un homme croyant et pratiquant. En outre, la réalité dépeinte a également le mérite d’afficher au premier plan les relations sexuelles de celui-ci en tant qu’homme handicapé à une époque où le handicap n’est toujours que très rarement abordé dans le spectre du désir. Ce film met en avant l'idée que les personnes handicapées ont non seulement le droit, mais aussi la capacité de vivre une sexualité épanouie, sans être définies par leurs limitations physiques.
L’abord de la sexualité des personnes handicapées dans un aspect cinématographique nécessite le respect d’un juste équilibre entre la vision du corps atypique, l’abord de la question du désir, la place donnée aux relations humaines dans la pratique de l’assistance sexuelle et la lutte contre l’apologie de la vulnérabilité. Une fois de plus, la mise en perspective des axes soutenus par ces trois films amène à une conception de l’assistance sexuelle comme une réponse possible au désir qu’ont les personnes handicapées de découvrir leur corps et d’accéder à la satisfaction dans le respect de leur liberté. Les trois films discutés dans cet article contribuent chacun à leur manière à enrichir le débat sur ce sujet complexe, en montrant que la sexualité des personnes handicapées ne doit pas être vue à travers le prisme de la vulnérabilité ou du pathos, mais plutôt comme une expression naturelle de leur humanité.
Ces œuvres nous rappellent que les personnes handicapées, comme tout un chacun, aspirent à être reconnues dans leur intégrité, à être désirées, aimées, et à pouvoir explorer leur sexualité dans le respect de leur liberté et de leur dignité.
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