Le concept de "validisme" est né dans les années 1980, au sein des disability studies, pour désigner les discriminations systémiques subies par les personnes handicapées. Ce terme met en lumière les barrières culturelles et institutionnelles qui perpétuent l’exclusion.Toutefois, je souhaite partager pourquoi, malgré son utilité, ce terme me semble parfois problématique et proposer des alternatives.
Les luttes contre le validisme cherchent au départ à œuvrer pour dénoncer l’exclusion et inciter à l’adaptation de la société au handicap. De plus, le validisme englobe les barrières institutionnelles et structurelles qui limitent l'inclusion des personnes handicapées dans la société. Le validisme est donc non seulement une question de perceptions ou d'attitudes, mais aussi de politiques, de pratiques et de normes sociales qui favorisent les personnes valides aux dépens des autres.
Le validisme part ainsi du principe que les personnes nées avec un handicap n’auraient pas la « bonne » force physique, la « bonne » apparence, auraient besoin de pitié. Les travaux du sociologue Norbert Elias distinguent ainsi un processus d’exclusion active, avec une monopolisation des positions sociales clés par les groupes établis et reléguant les personnes non-conformes à la périphérie, et un processus d’exclusion passive dans lequel les personnes exclues vont intérioriser l’image que les groupes établis leur renvoie et développer un sentiment d’infériorité sociale. Selon ce mode de pensée, les personnes n’ont à cause de ce mauvais regard social d’autre choix que de développer des stratégies comportementales adaptatives.
Le validisme est donc associé à une forme de discrimination qui opprime et marginalise un groupe de personnes en raison de caractéristiques personnelles, se manifestant par des commentaires ou actions offensantes dirigées à l’encontre de la personne en situation de handicap. Par exemple, un préjugé désigné comme « validiste » peut être d’associer directement handicap physique et handicap mental.
Pour résumer, ce terme est souvent utilisé pour désigner une forme de discrimination systémique envers les personnes handicapées.
Le validisme repose sur l'idée que les personnes handicapées sont « inférieures », et contribue à leur marginalisation à travers des préjugés et des comportements discriminatoires.
Ne se limitant pas simplement à la discrimination, le validisme fait également référence au manque d’accessibilité de la société à destination des personnes handicapées, les excluant de la sphère sociale.
L’accessibilité concerne l’ensemble des espaces publics, des services, des technologies et a pour objectif de faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées.
Ces dernières doivent ainsi pouvoir s’insérer pleinement dans le monde extérieur sans subir de discrimination.
Lorsque les aménagements nécessaires ne sont pas faits, certains parlent alors de validisme.
Il est indispensable de lutter pour l’inclusion des personnes handicapées dans notre société, de lutter contre l’ensemble des stéréotypes inacceptables et abjectes d’associer ces dernières à l’infantilisation, l’asexualité, ou bien d’effectuer directement un corollaire entre handicap physique et handicap mental. Oui, c’est à la société de s’adapter, de changer de regard et d’allouer les moyens nécessaires à l’égalité des chances. Et non, ce n’est pas parce qu’on ne correspond pas à un système de critères physiques normés que les portes de l’inclusion sociale doivent se fermer à nous.
Néanmoins, à titre personnel, la connotation du terme « validisme » me gêne. Pourquoi ?
Tout d’abord, parce que cette connotation partant de la « validité » a pour moi un aspect séparateur, ségrégateur, ne luttant pas forcément en faveur du vivre-ensemble.
Effectivement, je trouve que le terme de lutte pour « l’inclusion » ou de lutte contre la « discrimination » constitue une référence plus pertinente à la lutte pour l’égalité entre personnes handicapées et valides. Il est essentiel de reconnaître que le validisme désigne une réalité systémique : celle d’une société qui, souvent, est inadaptée aux personnes handicapées et accorde plus de droits aux personnes valides qu’à celles en situation de handicap. Ce terme a permis de dénoncer et de combattre des inégalités profondes. Cependant, tout en reconnaissant ces luttes indispensables, je me demande si un autre vocabulaire ne pourrait pas mieux encourager la collaboration et la compréhension mutuelle entre tous.
Ensuite, je ne suis pas fan de ce terme, en ce qu’il est parfois assimilé à un système d’oppression vécue par la personne handicapée (définie ainsi par certaines sources).
D’ailleurs, si ce n’est pas automatiquement le cas, le suffixe « isme » peut parfois être utilisé pour faire référence à des systèmes d’oppression.
Et si cette réflexion sur l’oppression n’est pas issue de la pensée majoritaire, c’est peut-être parce que le terme est en réalité un anglicisme, traduit du terme « ableism » qui signifie « capacitisme ». Le capacitisme est un synonyme du terme « validisme » et ferait référence à des attitudes sociétales qui dévalorisent et limitent le potentiel des personnes handicapées.
En effet, le terme "validisme", bien qu’utile pour dénoncer des comportements et des politiques discriminatoires, me semble peut-être trop associé à l’idée d’un conflit entre personnes valides et handicapées,alors que l’objectif ultime est l’inclusion. C’est pourquoi je propose de parler de "lutte pour l’inclusion" ou de "lutte contre les discriminations", des termes qui, à mon sens, englobent mieux une démarche positive et constructive.
Pour moi et c’est un avis personnel, le terme validisme n’est pas forcément opportun pour caractériser la lutte en faveur de l’égalité, car la référence, même involontaire ou indirecte à un système d’oppression a un aspect trop généralisant qui me dérange et incite, de mon point de vue, moins à la sensibilisation à l’importance des relations entre personnes handicapées et valides.
Parce que d’un côté, il est essentiel de lutter contre les stéréotypes qui proviennent effectivement du mode de pensée de beaucoup de personnes valides.
Et d’un autre côté, je n’aime pas l’aspect généralisant du terme. Je préfère parler de lutte contre l’exclusion, contre les discriminations, les préjugés visant à nous associer à l’infantilisation, l’asexualité. Ces expressions soulignent notre combat pour une société où chacun, valide ou handicapé, a sa place. Elles encouragent un dialogue et une coopération qui, je crois, sont essentiels pour construire un avenir véritablement inclusif.
Parce que, s’il est utilisé pour évoquer la discrimination situationnelle de la société uniquement adaptée aux valides, le mot valide désigne aussi une personne et c’est ce qui rend à mes yeux le terme généralisant.
Il amène pour moi à une confusion entre le fait de dénoncer les discriminations et le fait de les imputer directement à toutes les personnes valides.
Même dans le cas où le terme « validisme » n’aurait pas été choisi pour dénoncer l’oppression ou le séparatisme mais uniquement pour inciter la société à abandonner ses préjugés et développer un regard mélioratif sur le handicap, je le trouve mal choisi.
Parce que les valides, s’ils ne peuvent pas toujours comprendre l’intégralité des défis auxquels nous sommes confrontés, sont avant tout ceux qui nous aiment. Ceux qui un beau jour, sont venus à nous en toute bienveillance pour nous aider ou devenir nos amis. Les valides sont nos familles qui, si elles vivent chaque jour nos moments de dépendance dans la part de douleur qu’ils revêtent, nous ont dédié leur vie et sont devenues pour toujours nos bras et nos jambes. Ils sont ceux qui ont su déceler en nous un talent, une lueur, un savoir, et nous ont permis de l’exploiter en s’adaptant. Ceux qui, un jour, nous ont adressé un regard, et nous simplement montré qu’ils nous trouvaient beaux, ou belles. Si les valides peuvent ne pas toujours comprendre pleinement les défis auxquels nous faisons face, il est important de reconnaître la diversité des expériences et des relations. Les personnes handicapées ressentent une solidarité profonde avec les valides qui les entourent, tandis qu’elles peuvent vivre avec d’autres des tensions ou des incompréhensions. Reconnaître cette diversité est essentiel pour construire une vision inclusive qui prend en compte tous les points de vue, qu’ils soient positifs ou critiques.
Et même si je comprends que le terme « validisme » soit utilisé pour combattre les préjugés venant de beaucoup de personnes valides, ces dernières sont aussi nos aidants et ne sont pas toutes responsables de la diffusion de l’ensemble des préjugés et stéréotypes sur le handicap. Et je ne trouve pas que ce terme rende particulièrement hommage à l’ensemble de ces relations.
Parce que, nous ne le savons que trop : la présence des personnes handicapées parmi les valides permet de s’adapter, de tenter de se comprendre, et de grandir.
Mais il ne faut pas oublier de dire que la présence des personnes valides à nos côtés, tient, le plus souvent, de l’affection, de l’amitié, de l’amour.
Mais parfois, elle tient aussi un peu du rêve.
Les valides nous dédient leur temps, leur aide, leur bonne humeur et devenir nos bras, nos jambes, notre moteur.
La relation avec eux, c’est aussi pouvoir admirer une personne simplement parce que rien ne semble pouvoir l’arrêter, se mettre sur son passage.
Car si pour vous, il n’y a pas toujours la présence de cette part de désir lors d’une rencontre avec un valide qui vous « tape à l’œil », de désir devant la liberté que vous convoitez et que vous trouvez enfin en lui, c’est que nous ne percevons pas tous nos liens avec les valides de la même façon.
Et puis, peut-être que non, après tout. Car moi, les valides sont ma part de rêve.
Ma part de rêve devant mes parents qui m’ont toujours aidé et soutenu, ma part de rêve devant ma sœur qui jamais, ne m’a abandonné, ma part de rêve devant une famille de personnes très indépendantes qui m’ont appris à ne pas craindre d’assumer mes idées, ma part de rêve devant mes professeurs qui m’ont transmis leurs connaissances avec bienveillance, ma part de rêve devant mes amis, ceux que j’ai tout de suite remarqué de par l’indépendance que je projetais en eux, et aussi ma part de rêve devant les garçons parce qu’ils sont beaux, forts, et qu’ils pourraient me porter comme une princesse (dans le cas où ils remarqueraient enfin que je suis irrémédiablement sublime !).
Si nous devons nous battre, chaque jour, pour placer nos souhaits et nos aspirations à notre portée, eux voient de manière inévitable grâce à notre présence que la volonté est de mise pour parvenir à l’indépendance.
Car par les liens d’affection que l’on noue avec eux, ils peuvent, eux aussi, quelque part, placer l’extérieur à notre portée.
Voilà ce qui explique, pour moi, de manière inévitable toute la subtilité de la relation entre valides et handicapés, voilà pourquoi je ne suis pas fan du terme « validisme », et voilà ce qui définit l’inclusion.
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