2/L’accessibilité des techniques de vote
Il s’agit d’un principe d’une importance fondamentale, et essentiel à ancrer dans l’esprit du législateur : l’accessibilité situationnelle est le socle, voire l’instrument de la bonne application par l’Etat des droits fondamentaux des personnes handicapées. Ainsi, les enjeux de l’accessibilité des lieux publics, afin de pouvoir être saisis et intégrés dans tous les esprits, ne se suffisent pas à une approche purement « situationnelle ». Bien au contraire, l’accessibilité des lieux permet aux personnes de bénéficier et d’exercer leurs droits et libertés.
S’agissant du droit de vote, la possibilité d’exercer ce dernier sans encombre est conditionnée par deux éléments : l’accessibilité des lieux et des techniques de vote. En effet, l’application du droit de vote pour les personnes handicapées nécessite à la fois qu’elles puissent se rendre dans l’enceinte des bureaux de vote, mais aussi qu’elles puissent faire usage, en toute indépendance, desdits processus. Dès lors, en référence à la vision actuelle et profondément influencée par la période antique, l’accessibilité en ce sens, n’a pas une simple vocation à permettre la garantie des droits fondamentaux, mais constitue une véritable assise de la citoyenneté.
Il est donc indispensable de mener une étude, à ce niveau, des dispositions de la loi du 11 février 2005.
On l’a dit, ce sont les dispositions de l’article 73 de la loi du 11 février 2005 et de l’article L62-2 du Code électoral qui instaurent une obligation d’accessibilité à destination des bureaux et techniques de vote et à tous types de handicap, encadrée par des conditions fixées par décret. En effet, il incombe au ministère de l’Intérieur, accompagné des mairies, de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l’exercice du droit de vote des personnes handicapées dans les mêmes conditions que celui des personnes valides. Par conséquent, une obligation revient aux préfets d’opter pour des bureaux de vote offrant des conditions d’accessibilité optimales aussi bien aux personnes handicapées qu’aux personnes âgées. Cela englobe notamment une obligation de choisir, si possible, un bâtiment accessible sans obstacles et de plain-pied, c’est-à-dire sans marches ou à défaut, une obligation d’ajouter un plan incliné et de prévoir une rampe. De plus, les dispositions de l’article D56-2 du Code électoral prévoient l’obligation pour les bureaux de vote de contenir au minimum un isoloir accessible, ainsi qu’une urne facile d’accès (art. D56-3). La personne handicapée doit dès lors pouvoir voter seule, et facilement.
Ledit bâtiment doit par ailleurs être ouvert aux chiens guide. De plus, certaines obligations d’accessibilité sont également applicables aux panneaux d’informations, notamment inhérentes à la taille des caractères, au contraste, aux reflets, à la hauteur au niveau des yeux, à la police d’écriture …
Par ailleurs, le droit à compensation dans le cadre du processus électoral se manifeste également dans la possibilité, offerte à la personne handicapée par le Code électoral, de se faire accompagner par un électeur de son choix, y compris dans l’isoloir. Si l’électeur handicapé est atteint d’une impossibilité de signature, l’accompagnant peut faire menton de celle-ci.
Si, conformément aux dispositions légales, la personne handicapée détient toujours la possibilité de préparer son vote notamment grâce à l’obligation d’adresser la propagande au domicile de chaque électeur, la loi assure-t-elle pour autant une totale transparence dans la garantie d’application du droit de vote ?
Ainsi, en raison de la réticence des pouvoirs publics à offrir une parfaite diversité aux personnes handicapées dans les moyens de vote dont elles disposent, l’on peut se demander si celles-ci jouissent d’une autonomie complète dans le processus électoral. En effet, si de nombreuses techniques pourraient assurer plus d’indépendance dans le choix électoral des personnes handicapées, celles-ci n’ont pourtant pas obtenu les faveurs du ministère de l’Intérieur (généralisation des bulletins en braille à défaut de moyens nécessaires, vote électronique…).
La réglementation du processus de vote électronique constitue un bon exemple de cette réticence. En effet, en 2007, certaines communes obtinrent l’autorisation d’utiliser des machines électroniques pour voter. Ainsi, plus d’1,5 million de personnes eurent accès à cette technique. Concrètement, deux types de vote électronique sont à distinguer : les machines à voter utilisables dans certains bureaux de vote, ou le vote par Internet.
S’agissant du vote par Internet, il est clair que celui-ci est exposé à plusieurs difficultés, notamment en termes de sécurité. L’une d’entre elles porte sur l’authentification ou la question de savoir si le votant est bien le bon électeur, bien qu’il puisse exister certaines solutions (applications, cartes d’identité électroniques…).
S’agissant des machines à voter, selon une question posée au gouvernement et publiée le 6 octobre 2022, plus de soixante communes en France ont fait le choix d’acquérir ces équipements. Toutefois, depuis 2008, les préfets n’autorisent plus de communes à effectuer de nouvelles acquisitions en raison d’un moratoire. A l’origine, cette décision était un compromis entre les inquiétudes soulevées sur la sincérité du scrutin et la volonté des communes utilisatrices d’amortir l’achat de ces appareils dans le temps. Actuellement, les réticences portent également sur le risque en termes de sécurité.
Malgré les inquiétudes et difficultés soulevées par les questions du vote par Internet et des machines à voter, ces dernières sont-elles proportionnées face à l’importance du libre exercice du droit de vote par les personnes handicapées ? Et, plus précisément, les pouvoirs publics ont-ils envisagé la mise en oeuvre de suffisamment de moyens pour pallier aux risques éventuels ?
En effet, l’exercice du droit de vote en ligne, s’expose, on l’a vu, à certains dangers en termes de sécurité notamment en raison de l’incertitude du processus d’authentification.
Néanmoins, le processus électoral rendu possible par la faculté de la personne handicapée de se faire accompagner n’est-il pas tout autant soumis à des risques dans le cas où celle-ci ne pourrait pas, ou plus, faire appel à une personne de confiance ? Car oui, le vote constitue un droit particulier en ce que son exercice relève d’un processus strictement personnel, et devant donc pouvoir se dérouler dans le respect d’une autonomie complète.
A ce titre, il pourrait sembler judicieux d’œuvrer en faveur d’une allocation de moyens par l’Etat destinés à l’instauration d’un processus entièrement sécurisé. Tout comme nous pouvons effectuer, chaque jour, en ligne, des dizaines de transactions sur le net en indiquant nos coordonnées bancaires sur des supports sécurisés, pourquoi ne serait-il pas envisageable de confier la création d’outils d’authentification équivalents à des experts en informatique ?
Est-ce une question de sécurité … ou de volonté ?
Ajouter un commentaire
Commentaires